Dossier «L'Affaire du RER D» — Le Monde | ![]() | ![]() |
Plusieurs personnalités politiques ont exprimé, lundi 12 juillet, leur circonspection après l'agression dont aurait été victime une jeune femme dans le RER D. "J'espère qu'il n'y a pas de loup sur cette affaire", a confié le président du conseil régional d'Ile-de-France, Jean-Paul Huchon (PS), à Nicole Guedj, secrétaire d'Etat aux droits de la victime, au cours d'un aparté saisi et diffusé par France 2.
Lundi, en fin de matinée, Mme Guedj avait rencontré la mère de famille qui dit avoir été frappée et humiliée par six jeunes hommes, vendredi 9 juillet. "J'ai trouvé face à moi une jeune femme effectivement très traumatisée pour toutes les raisons qu'elle expose, a affirmé la secrétaire d'Etat. Elle m'a paru sincère donc je pense qu'il faut effectivement attendre les résultats de l'enquête."
Pour sa part, Dominique Strauss-Kahn, député (PS) du Val-d'Oise et ancien ministre de l'économie, a déclaré que "si c'est un coup monté, évidemment, ce serait critiquable en tant que coup monté". "Mais ça ne changerait rien au fait que c'est la dixième ou la vingtième agression de ce genre, a-t-il ajouté. Même si celle-ci se révélait après coup ne pas s'être passée comme on nous le raconte, ce qui est sûr, c'est qu'il y en a eu vingt avant."
Quelques heures auparavant, en marge d'une visite à la base aérienne de Cazaux (Gironde), le premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, a lancé un appel au "courage citoyen" pour "résister à la circulation" de la violence dans la société. "L'antisémitisme est une honte, a-t-il dit. Nous voulons combattre cette forme de racisme insupportable." De son côté, le Consistoire israélite de Paris a exhorté "la société française" à "se réveiller" afin "qu'elle prenne conscience de l'antisémitisme et qu'elle se mette à lutter de toutes ses forces contre ce fléau du XXIe siècle".
Le Parti socialiste a également réclamé, par la voix de Claude Bartolone, que la "volonté manifestée par le législateur soit suivie d'effet", après le vote à l'unanimité par l'Assemblée nationale d'une loi renforçant "l'arsenal de répression contre le racisme et l'antisémitisme".
L'émotion était palpable, lundi soir à Paris, dans le quartier de Belleville, lors du rassemblement organisé dans la précipitation par le seul Parti communiste. Quelques centaines de personnes ont répondu à l'appel pour dire "non à l'antisémitisme et à toutes les formes de racismes". Une banderole commune de l'Union juive pour la paix et de l'Association des travailleurs maghrébins de France proclamait "Juifs et Arabes unis pour la justice". Des calicots du syndicat SUD-PTT, des militants d'Alternative libertaire côtoyaient un noyau de fidèles de Lutte ouvrière entonnant L'Internationale.
"REFUS DE L'INTOLÉRABLE"
Noyés au milieu d'un carré d'anciens communistes, quelques représentants du Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (MRAP) arboraient un autocollant "Contre tous les racismes, résistance". Sur un bandeau noir accroché à une grille, on pouvait lire : "Fuck tous les cisteras -racistes en verlan-. Les flammes de l'enfer vous attendent." Devant la foule plutôt âgée, les orateurs ont dénoncé le racisme sous toutes ses formes et martelé, comme Nacer Ramdane, de SOS-Racisme, qu'"il n'y avait pas d'excuse à être antisémite".
Au même moment, devant près de 200 élus locaux, dont Marine Le Pen (FN), M. Huchon a lancé : "Ces jeunes sont passés par notre système scolaire, ont grandi dans nos villes. Ceux-là sont notre terrible héritage et notre faute." Un rassemblement devait avoir lieu, mardi à 18 heures, devant l'hôtel de ville d'Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), où réside la jeune femme, à l'initiative du maire, Pascal Beaudet (PCF). Mouloud Aounit, le secrétaire général du MRAP, et Michel Tubiana, le président de la Ligue des droits de l'homme, devaient y participer. Le mouvement Ni putes ni soumises a appelé à emprunter le RER D, vendredi, à la même heure que celle où la jeune femme dit avoir été agressée, pour "briser la loi du silence et marquer le refus de l'intolérable".
Sylvia Zappi (avec AFP)